L’IA va-t-elle vraiment remplacer les graphistes ?

L’IA va-t-elle vraiment remplacer les graphistes ?
Stamp
Identité visuelle
5 mai 2025


Comme vous, je vois de plus en plus que l’IA fait des progrès pharamineux.

À mesure que les médias s’y intéressent et que les tutoriels deviennent viraux, mes clients me parlent également de l’avancée de l’IA. Il est aussi courant que mes étudiants s’inquiètent de l’avenir de leur métier, des débouchés et de la valeur accordée à leur travail.
Aujourd’hui je fais un point sur l’utilisation de l’IA dans le domaine du graphisme, avec mon regard et mon avis sur la situation en mai 2025.

L’IA : un génie qui n’est qu’illusion


Il y a déjà plus de 10 ans pendant mes études en graphisme et en design, Canva était arrivé sur le marché français et avait bouleversé le milieu de la création dès 2013. L’outil, facile de prise en main et intuitif, est conçu pour concevoir des supports de communication via des modèles pré-faits. Curriculum vitae, flyers, affiches, carte de visite, publicités et posters, tous ces modèles de mise en page sont disponibles gratuitement en quelques clics. 

Sauf qu’ils ne s’adressent pas aux professionnels et bien que l’option « Premium » permet d’en avoir un usage simplifié, l’outil est plutôt conçu pour de la personnalisation.

Il n’est pas rare que mes clients me contactent pour concevoir des visuelles accompagnées de templates pour communiquer sur leur réseaux sociaux. Il y a quelques années, ils payaient une personne pour chaque visuel conçu via la Suite Adobe, ils n’avaient pas forcément la main sur ces outils trop perfectionnés. Aujourd’hui ils payent pour une expertise pour avoir une communication cohérente, ils demandent à avoir une déclinaison des modèles sur Canva pour pouvoir les dupliquer, ils sont plus autonomes mais la création pure revient aux professionnels dont c’est le métier. De mon côté, je propose des accompagnements hybrides qui me permettent de concevoir des visuels perfectionnés sur la suite Adobe, puis de les ajouter sur Canva pour permettre à mes clients de bénéficier de déclinaisons facilement personnalisables. Sans besoin d’investissement supplémentaire (la suite Adobe coûte 420€ par an)), ni de formation spécifique.

 

Avez-vous déjà essayé d’obtenir un résultat vraiment précis avec l’IA ?

Un visuel cohérent et qualitatif demande une vraie maîtrise et souvent des dizaines d’essais, pour approcher du résultat attendu. Parce l’IA ne lit pas (encore) dans les pensées de nos clients, elle ne comprend pas non plus les subtilités d’un marché, elle n’aura pas en tête vos contraintes, vos préférences et ne saura pas vous démarquer de la concurrence. Elle ne fait que recycler ce qu’elle connaît déjà. L’IA imite, copie, arrange, il est difficile d’innover et de générer un style sur mesure avec l’IA.

Le “prompt magique” vendu via des newsletters et de leadmagnets, ou donné gratuitement en échange de votre adresse mail n’est pas magique. Il s’agit souvent de textes pensés par des marketeurs pour attirer votre attention et tenter de vous vendre un autre service. On est loin d’une réelle expertise créative ou stratégique. L’IA ne sait pas gérer la complexité d’un brief de marque, ni intégrer l’intuition, les émotions, les préférences humaines et encore moins les subtilités culturelles. Alors oui, je l’admets certains résultats sont bluffants mais qu’elle est vraiment la valeur d’une image qui a été créée des centaines de fois pour des centaines d’entreprises différentes ? Quelle est la valeur d’une image qui a été conçue avec une IA ?

À mon sens, le débat reste le même que le fameux t-shirt à 2€ conçu au Bangladesh avec une illustration volée sur internet, versus le t-shirt de votre entrepreneuse française préférée qui a été conçu pour une nouvelle collection anniversaire. Il coûte 55€, il a une histoire, il a été conçu au Portugal, il est plus résistant dans le temps, le textile est source, vous savez dans quelles conditions il a été fabriqué et il soutient l’entreprise de votre créatrice préférée. Vous serez fière de le porter au fil des saisons. Votre t-shirt à 2€ sera oublié au fond de votre armoire ou recyclé en pyjama.

Pour illustrer l’ambivalence de l’IA, faisons un point sur ce qui a envahi les réseaux sociaux en avril dernier.

 

Le phénomène « Starter Pack »

Vous l’avez sûrement tous vu sur vos réseaux sociaux, mais aussi dans les médias, le phénomène « Starter Pack » a connu un pic de tendance le 9 avril 2025. Le principe était de copier/coller un prompt sur Chat GPT pour générer une figurine à notre effigie en 3D, sous blister, accompagnée de 3 objets qui révéleraient notre personnalité.

Résultat en 48h, les réseaux se sont affolés et tout le monde à voulu sa version de « Starter Pack » :
– 3074 posts sur Instagram
– 647 publications sur LinkedIn France
– 10 700 tweets sur X (twitter)
– 6 700 vidéos Tok Tok

Et encore, on ne parle ici que de posts référencés sur des comptes publics…

Derrière petit jeu gratuit, se cache une caricature de ce qui fait notre personnalité d’un point de vu de l’IA. Une uniformisation de nos singularités et l’alimentation de codes stéréotypés dans chacune des représentations. À cela s’ajoute la question écologique, chaque imagé générée par l’IA mobilise énormément d’énergie, j’y reviendrai dans la seconde partie de cet article.

Face à cette inondation de visuels aseptisés, les illustrateurs français sont montés au créneau. L’illustrateur Patouret a lancé sa propre trend en partageant sa version du « Starter Pack » unique, fait avec son style et à la main, avec le hashtag #StarterPackNoAI et des dizaines d’illustrateurs et illustratrices.

@charlyclements

@Studiosilvana

@papierpapierpapier

@lenapiroux

@penelopeb

L’IA une ressource qui pollue 10 fois plus que Google

L’Agence internationale de l’énergie estime qu’une recherche sur ChatGPT consomme autant d’énergie que dix recherches sur Google. 
Selon une analyse menée par le Washington Post et l’Université de Californie, rédiger un mail d’environ 100 mots avec ChatGPT équivaut à gaspiller une bouteille d’eau de 50 cL.

Dans un monde en croissance, perpétuellement en recherche de nouvelles ressources dû à la pénurie de ressources, comment penser que ce modèle puisse être pérenne ?

L’IA est dépourvue de sensibilité, et n’a pas les compétences pour identifier les signaux des tendances dans le design ou pour anticiper l’option de nouveaux styles graphiques. 
Par exemple, le modèle de chat GPT actuel est la version 4.0. Il a été entraîné avec des données publiques sur internet qui ont été arrêtées à octobre 2021. Ce qui veut dire qu’en matière de tendances visuelles ou de design… elle a toujours un train de retard !

En faisant des recherches pour cette article, une information m’a particulièrement marquée :

« L’Agence Internationale de l’Energie, créée en 1974 pour éviter de futurs chocs énergétiques, lance l’alerte dans un rapport.
Les centres de données représentaient environ 1,5 % de la consommation mondiale d’électricité en 2024, soit 415 térawattheures (TWh). A ce rythme, ils consommeront d’ici cinq ans, à eux seuls, autant d’électricité qu’un pays comme le Japon. Ils contribueront à la hausse des émissions de CO2 liées à la production d’électricité : de 180 millions de tonnes de CO2, à 300 millions d’ici 2030 ! »

Lorsque l’époque doit être à la sobriété, il est important de questionner l’utilisation de l’IA et surtout le rapport entre les ressources et les bénéfices.

« Une seule demande à ChatGPT équivaut à laisser la lumière allumée toute une journée. »


Amélie Cordier, docteure en IA à l’université de Lyon et fondatrice de Graine d’IA

Utiliser l’IA dans le graphisme est un risque pour votre marque 



La loi actuelle sur la propriété intellectuelle est encore floue sur les possibilités d’utilisation de l’IA concernant les identités visuelles et les services en lien avec le graphisme.

Pour le moment l’IA n’a pas de personnalité juridique, elle ne peut pas être titulaire de droits. Si une création est entièrement faite par une IA sans intervention humaine, il n’est pas possible d’en prouver la paternité ou la titularité des droits. Cela peut poser des problèmes si un litige survient sur la marque (ex. : contrefaçon, revendication…) ou si une marque vous copie.

L’IA s’entraîne également via les recherches de ses utilisateurs. Dans ces conditions, comment protéger votre marque ? Le droit français n’a pas encore de réponse claire à ce sujet. Il vous ait maintenant possible de refuser que META utilise vos données pour entraîner son IA
, mais pour le reste ? L’INPI, qui permet de déposer votre marque associé à son logo, précise que pour ce faire il faut que la marque soit :

«  – Disponible : D’une manière générale, une marque est disponible quand elle ne reproduit ou n’imite pas un signe qui bénéficie d’un droit antérieur pour des produits ou des services, ou des activités qui seraient identiques ou similaires aux vôtres. Pour vérifier cela, consultez la page sur la recherche de disponibilité.

 – Distinctive et non trompeur pour le consommateur.

– Respecter les conditions de recevabilité : ces conditions sont disponibles dans notre rubrique « directives » du site. »

Lorsqu’un ou une graphiste conçois vos livrables sur-mesures avec une cession des droits pour que vous en soyez pleinement propriétaire. Comment penser que l’IA est un concurrent sur ces questions ?

Je perçois l’inquiétude, elle est légitime, mais je pense que l’IA ne pourra pas remplacer les professionnel.les du graphisme sur des projets d’envergure qui souhaitent être pérennes. Pour moi, il s’agit d’un nouvel outil qui vient rebattre les cartes, la question est de savoir comment faire en tant que graphiste pour s’adapter au marché et protéger son travail.

L’avenir de l’IA dans les métiers de la création 


L’IA est dépourvue de sensibilité, et n’a pas les compétences pour identifier les signaux des tendances dans le design ou pour anticiper l’option de nouveaux styles graphiques. 
Par exemple, le modèle de chat GPT actuel est la version 4.0. Il a été entraîné avec des données publiques sur internet qui ont été arrêtées à octobre 2021. Ce qui veut dire qu’en matière de tendances visuelles ou de design… elle a toujours un train de retard !

Personnellement, j’envisage les différentes IA comme des assistantes. Ces outils permettent aux graphistes et à leurs clients de gagner du temps, de poser une intention, de visualiser un concept artistique avant de valider une piste. Mais aussi de générer des moodboards pour valider un shooting photo, une vitrophanie pour l’ouverture d’un magasin, etc. À mon sens, c’est ici que la puissance des IA devraient être utiliser, pour garantir une compréhension et une satisfaction client.

Ce sont aussi des outils à considérer pour faciliter la gestion du quotidien. Je m’en sers par exemple pour mettre en avant mes idées sur mes pages Notion, pour clarifier un brief via les notes que j’ai prises en réunion, ou pour trouver les manipulations complexes des outils que j’utilise dans ma profession lorsque je ne trouve pas les réponses sur Google.

 

Alors entre Canva, ChatGPT, Midjourney, Dall-E : faut-il encore faire appel à des professionnelles du design ?

Pour avoir une identité de marque qui prenne en compte votre personnalité, votre histoire et soit parfaitement en lien avec votre marché et vos cibles, je suis convaincue qu’il est indispensable de faire appel à un.e professionnel.le.

Si vous souhaitez créer une véritable identité de marque professionnelle et bénéficier de déclinaisons harmonieuses tout au long de votre parcours entrepreneurial, je vous invite à me contacter et me faire part de votre projet de vie en cliquant ici.

Rejoignez-moi sur Instagram pour suivre toute l’actualité de MAISON CRÉATIVE.

@MARION.CARLIER